CARLO GUAITA
Né à Palerme en 1954, Carlo Guaita nous fait subtilement voyager à travers la sculpture, (ciment, pierre ou carton) la peinture et les livres en se servant d’une grammaire lexicale qui concerne les titres de séries sur lesquelles il travaille désormais depuis quelques années, comme Dagherrotipi, Orizzonte, I Colassati, Instead of poetry, I Vuoti, Enciclopedia Incerta, Fantasmi, Pozzi, Immersi … Ce sont parfois aussi les titres de petits fascicules que l’artiste édite presque chaque année. En 2013 Carlo Guaita a publié Universo appeso avec un texte de Denis Viva, intitulé « Carottages ». Dans les séries Dagherrotipi ou Pozzi, par exemple, il s’agit de peintures monochromes de petites dimensions, réalisées comme toujours chez Guaita sur un matériau le plus simple possible, en passant et repassant à l’infini sur le support une couleur diluée dans le vernis final transparent. La couleur n’est pas étendue mais laissée à la sédimentation horizontale. Observés de loin, les Dagherrotipi apparaissent plats et réfléchissants alors que, vus de près, ils se révèlent absorbants, saturés et profonds. Comme le dit Denis Viva dans son texte : « Souvent, mais pas toujours, le noir fait son apparition. Son intensité est telle qu’il nous laisse percevoir une présence plus qu’une absence…. Il devrait être une absence totale de lumière mais, paradoxalement, il a sa propre force d’émanation. Parfois c’est à cause d’une saturation, d’un calque, d’une pression, d’un déchirement. Dans tous les cas, il s’agit d’une absence obtenue par stratification… Sous la couche de noir, comme une sorte de sur-écriture, il y a parfois des illustrations. Guaita ne les choisit jamais au hasard, bien qu’elles fassent partie d’un très vaste répertoire d’où elles sont sorties avec une juste dose d’indifférence. Non pas parce que elles s’équivalent, mais parce qu’elles participent au même projet. Ce sont les tables de l’iconographie des Lumières dont les racines se trouvent dans les livres et les illustrations de l’Encyclopédie, à partir du XVIIIème siècle et jusqu’à nos jours. Chacune d’elles participe d’une Weltanschauung sans pour autant avoir une signification « particulière ». Éléments d’une table, données, phrases sur lesquelles le pigment se superpose en réitérant le même mécanisme de profondeur/opacité. Elles sont distinctes et unies au même instant. On perçoit leur stratification, mais l’encre les relie idéalement et techniquement, comme les composants d’un seul et unique projet paradoxal. »
La recherche de Guaita affronte la peinture monochrome et le paysage, ce dernier étant entendu comme un antagonisme mais aussi comme substrat générateur. Dans ces divers aspects, l’artiste réalise une stratification continue, presque un archivage. Il cherche en définitive à conduire la peinture à son accomplissement définitif. Enfin, ainsi que le souligne Denis Viva dans son texte concernant une pièce intitulée Instead of poetry : « Dans la verticalité du mur, nous passons à l’horizontalité de la sculpture. C’est le dernier sédiment. Une roche inaliénable et irréductible posée entre les pages. La page blanche, le support qui ouvre, où sur lequel est laissée une trace, dans les temps dilatés de la nature… C’est une poétique avant d’être une poésie. C’est à la place de la poésie si on la perçoit comme un abandon, un tressaillement, un sentimentalisme qui justifierait la mauvaise conscience avec laquelle nous habitons la modernité. Ce n’est pas la logique de la littérature mais celle de la géologie. Et elle nous impose de nous arrêter. »
©2022 All rights reserved Galerie Bernard Bouche
Mentions légales – Politique de confidentialité